dimanche 1 avril 2007

Archéo, géo, ethno, botanique et...littérature:quel blog!!

"L'être humain naît nu, faible, et mou, et le demeure.

Il n'a pas toison pour lui tenir chaud, sauf sur la tête et au menton où elle est superflue, sous les bras où elle nécessite le déodorant, et en triangle fléché vers le sexe, comme si le partenaire intéressé avait besoin de cette indication pour savoir où le trouver.

L'homme...

L'homme n'a pas de carapace pour le protéger contre les pinces d'autrui, comme le homard, ou pour y retirer à l'abri sa tête et ses pieds, comme la tortue. S'il rencontre une épine, il se troue.

Il ne court pas comme l'antilope. Un beau film nous a montré un athlète gagnant une compétition aux jeux Olympiques. Prises de vues sensationnelles, plans de plus en plus gros de son visage convulsé par l'effort. Ralentis, plans énormes, plan fixe, victoire! Il a gagné! Ravagé, le héros s'écroule, à demi-mort. Qu'a t-il fait? Il a couru cent mètres... N'import quel gros, moyen ou petit chien l'eût dépassé en gambadant et tirant la langue, non d'épuisement, mais de plaisir.

Il n'entend pas comme le chat, ne voit pas comme l'aigle, ne s'oriente pas comme le pigeon, ne sent pas son partenaire sexuel à dix kilomètres comme le papillon, ne vole pas comme la mouche, ne saut pas comme la puce. Il nage vingt mètres et se noie. C'est du moins ce qui m'arriverait si je tentais cet exploit. Même si vous êtes bon nageur, pour le reste vous ne valez pas mieux que moi...

L'homme est l'animal le plus fragile, le plus désarmé, le plus incapable de toute la nature, après le ver de terre. Encore ce dernier, tant qu'il reste dans son trou, n'a-t-il rien à craindre du merle. Et pour faire son marché, pas de problème: il se nourrit des murs de son appartement. Et si un coup de bêche le coupe en deux, chaque moitié redevient un ver complet.

Pauvre homme...

Sous une forme ou sous une autre, j'ai déjà dit, écrit, exposé, ce bilan des incapacités humaines. Mais il est bon, il est même nécessaire, de répéter les vérités essentielles, surtout lorsqu'elles sont si évidentes que personne n'en a plus conscience.

Pour survivre, l'homme a donc dû se battre contre des créatures plus fortes et mieux armées que lui. Même s'il prenait garde de ne pas les affronter, et tentait de subsister en cueillant des mûres, sa délicatesse végétarienne ne l'empêchait pas, tandis qu'il déterrait une racine de chiendent, de recevoir sur le dos une panthère ou un loup qui le trouvait à son goût.

Comment se défendre? Fautes de crocs et des griffes que la nature lui avait refusés, il a dû se fabriquer des armes et, pour les fabriquer, inventer des outils.

Ces outils, lentement perfectionnés au cours des millénaires, lui ont permis de prolonger à l'infini la portée de ses sens bornés. Aujourd'hui, il entend et voit un orateur prononcer un discours de l'autre côté de la Terre, il entend les étoiles et voit les profondeurs de l'univers et de l'atome. Il vole plus haut que l'aigle, nage dans des profondeurs que les poissons n'osent pas fréquenter, ne court pas comme la gazelle, mais roule plus vite qu'elle.

Voilà donc l'homme, au départ aussi nu qu'une huître sans coquille, pourvu aujourd'hui de moyens de défense, d'expansion et de connaissances tels qu'aucune autre créature n'en possède. Il peut, non sans exaltation, regarder l'horizon qui se présente à lui, l'espace et le temps sans limites.

C'est le moment où tout peut commencer. Ou finir."

Demain le Paradis, 1986. René Barjavel (1911-1985)

Voilà, une des petites perles que l'on peut trouver dans les Suzzalo et Allen Libraries, bibliothèques de l'UW (prononcez "YOUDUB") dont je vous parlais dans un article précédent. Donc aujourd'hui, panne d'inspiration et comment pourrait-il en être autrement après avoir lu ces lignes écrites il y a vingt ans?? Toujours d'actualité, si l'on en fait une lecture différente, tant l'oeuvre de Barjavel est marquée par la bombe atomique, qui menaçait de réduire à néant la civilisation humaine et tout ce qui va avec au moindre éternuement non annoncé d'un des belligérants. Aujourd'hui la menace est moins éclatante(!!) mais les sonnettes d'alarme concernant la mise en danger de notre environnement ont été tirées et on ne pourra pas dire, plus tard, à nos petits enfants, que l'on ne savait pas...

Comme tout article de ce blog, se doit d'être accompagné d'une image, voici pour compléter la série de photos de bibliothèques, celle municipale se trouvant downtown et qui aurait pu certainement se trouver dans un des romans d'anticipation de Barjavel (pour plus de détails: http://barjaweb.free.fr)

4 commentaires:

Sylvain a dit…

Alors, là je me commente moi-même!! Votre sagacité légendaire vous aura fait remarquer que ce blog tend, autant que faire se peut, à narrer les choses que je peux voir ou vivre ici-bas, de manière décalée!Exact!Mais aujourd'hui, que pasà, Sylvain? point de franches bouffonneries, non rien de rien...Et bien c'est tout simplement le deuxième effet décalé: bien obligé de raconter quelque chose de sérieux en ce premier avril!! A ce propos, connaissent pas les américains...

Anonyme a dit…

Mais quelle prose magnifique!!! continues, c très intéressant la vie monacale aux states... ;-)
Amuses toi bien, on pense à toi.
bises.
tes copines

Anonyme a dit…

Je commence à me dire que j'aurais bien envie de venir m'imprégner de ce climat très particulier qui semble régner vers chez toi... Visiblement cela inspire !

Anonyme a dit…

Le dernier message a été posté par le grand frère... ciao !